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AVERTISSEMENT

Amis lecteurs
Je ne fais ce Blog que pour vous faire decouvrir les tresors du Judaisme
Aussi malgre le soin que j'apporte pour mettre le nom de l'auteur et la reference des illustrations sur tous ces textes , il se pourrait que ce soit insuffisant
Je prie donc les auteurs de me le faire savoir et le cas echeant j'enleverais immediatement tous leurs textes
Mon but etant de les faire connaitre uniquement pour la gloire de leurs Auteurs

Le clonage thérapeutique




Le clonage thérapeutique


Grand Rabbin Michel GUGENHEIM 
pouah

Utilisation d'embryons surnuméraires à des fins de clonage thérapeutique

Le clonage thérapeutique consiste en la création d’embryons humains par transfert de noyau somatique dans un ovule précédemment énucléé, en vue d’obtenir des cellules souches, susceptibles de se différencier en différents tissus, qui seraient ensuite implantés dans le corps d’un receveur pour y remplacer des cellules déficientes ou insuffisamment nombreuses.
A vrai dire, si la technique du clonage semble de mieux en mieux maîtrisée, son application thérapeutique n’a pour l’instant qu'une valeur de projet, et les cellules souches ainsi obtenues servent surtout à la recherche : on pratique le clonage scientifique pour préparer le clonage thérapeutique.
Quoiqu’il en soit, ces avancées scientifiques majeures qui progressent à une allure impressionnante, ouvrent la voie au traitement de maladies graves et aujourd’hui incurables : affections neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, Huntington, sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique), cardiopathies, hépatites, diabète insulino-dépendant, lésions traumatiques de la moelle épinière, etc. C’est dire l’enjeu qui est attaché à cette technique qui fait l’objet d’un débat éthique international, et de législations parfaitement contradictoires suivant les pays.
Il est important de souligner l’avantage des cellules souches ainsi obtenues sur celles prélevées sur de simples embryons congelés surnuméraires, c’est-à-dire conçus dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, et ne faisant plus l’objet d’un projet parental : ces dernières n’ont pas les caractéristiques génétiques et immunitaires du receveur potentiel, et pourraient provoquer des phénomènes de rejet. En revanche, grâce au clonage, le receveur se fait greffer ses propres cellules : c’est une autogreffe qui ne devrait occasionner aucun rejet immunologique.
Le problème éthique majeur soulevé par cette technique est celui de la mise à mort de l’embryon. En effet, la culture des cellules souches implique nécessairement que soit mis fin au développement de l’embryon au plus tard le huitième jour . Il est clair, toutefois que la gravité de cet acte dépend du statut que l’on confère à l’embryon, en tant que vie humaine potentielle. D’autres arguments ont encore été avancés par les opposants au clonage thérapeutique :
- crainte d’instrumentalisation et de réification de l’embryon humain, transformé en simple médicament
-crainte de dérives, par transfert d’un tel embryon dans l’utérus d’une femme : la pratique du clonage thérapeutique favorise celle du clonage reproductif, unanimement condamné en Europe
-crainte de pressions exercées sur les donneuses potentielles, pour obtenir les très nombreux ovules requis par cette technique.
C’est dans ce contexte que nous nous proposons de présenter le point de vue de l’éthique juive en la matière.

Face à ces différentes interrogations, il est nécessaire de rappeler un principe essentiel du Droit rabbinique. Tout acte qu’aucune source talmudique ni rabbinique ne déclare interdit, est ipso facto réputé permis. Comme l’explique Rabbi Israël Lipchits dans son commentaire Tiféret Israël sur la Michna (Yadayim 4,3) : « Toute chose dont on ne connaît pas de raison pour l’interdire, est permise sans raison ; car la Tora ne mentionne pas tout ce qui est permis, mais seulement ce qui est interdit. »
Dans cette perspective, la question principale qui se pose est de savoir dans quelle mesure le clonage thérapeutique peut tomber sous le coup de l’interdit d’interruption de grossesse ou, ici, de gestation.


LE CONCEPT DES QUARANTE JOURS

Le Talmud affirme que l’embryon n’est considéré comme tel qu’après les 40 jours qui suivent la conception. Vu l’importance de ce principe pour notre sujet, nous en citerons ici les sources principales.
C’est ainsi que Rav ‘Hisda enseigne (Yevamot 69 b) qu’une fille de Cohen, veuve d’un non - Cohen mort le jour-même de son mariage, peut manger de la Terouma (prélèvement sacré destiné aux seuls Cohanim, et interdit même à une fille de Cohen enceinte d’un non - Cohen) durant les 40 jours après le décès. En effet, même si elle est enceinte, « jusqu’à 40 jours, c’est simplement de l’eau. » Rachi commente : « la formation de l’embryon [prend] 40 jours. » Et Maïmonide dans son Code (Hilkhot Teroumot 8,3) précise : « car durant tous ces 40 jours, ce n’est pas un embryon, mais il est considéré comme de l’eau ».
Le Talmud ne donne aucune indication sur le choix de ce nombre de jours. Mais il est intéressant de constater ce que l’étude de l’embryogenèse fait apparaître au niveau de la sixième semaine après la fécondation :
- la tête est la partie la plus volumineuse avec courbure cervicale marquée
- membres identifiables
- le cœur prend sa forme définitive
- trois courbures encéphaliques, diencéphale important, ébauche des méninges
- formation oreille externe, moyenne et interne.
Tels semblent donc être les paramètres qui permettent de différencier, aux yeux de la Tora, un simple amas de cellules d’une véritable ébauche d’être humain. On pourrait ainsi définir l’embryon : une tête et un cerveau proéminents, et des membres identifiables.
En réalité, ce concept des 40 jours est déjà énoncé dans la Michna (Nida 30a) qui stipule qu’une femme qui fait une fausse couche au 40ème jour de la fécondation n’a pas à se soumettre aux lois d’impureté consécutives à toute expulsion de fœtus, voire d’embryon. Et Rachi commente : « car sa formation n’est pas achevée tant que ne sont pas écoulés tous les 40 jours ». La formulation de Maïmonide sur cette loi est particulièrement intéressante : « la forme de l’embryon n’est pas achevée à moins de 40 jours. » Ainsi, la constitution de l’embryon dépend essentiellement de sa forme : tant que sa forme est inachevée, ce n’est pas un embryon – ce qui correspond parfaitement aux paramètres décrits ci-dessus.
Il est à noter, cependant, que dans Sanhédrin 91b Rabbi et l’empereur Antonin dialoguent sur la question de savoir à quel moment l’âme est introduite dans l’embryon. La conclusion est : depuis l’insémination ! Certains citent ce texte pour prouver que le judaïsme serait d’accord avec le catholicisme pour avancer le statut d’être vivant dès la conception.
Si tel était le cas, il y aurait contradiction flagrante entre ce passage et les textes précédemment cités. En vérité, les commentateurs (cf. Eyn Yaakov ibid.) expliquent que « l’âme » à laquelle se réfèrent Rabbi et Antonin désigne la vie au sens strictement biologique, et non pas celle sur laquelle pèse l’interdit de meurtre : le sperme « vit » tout autant qu’une goutte de sang provenant d’une entaille faite à l’oreille. Cet extrait de Sanhédrin est donc sans rapport aucun avec notre sujet.
Une 3ème application de ce concept des 40 jours apparaît chez des Maîtres du Moyen-âge ( Ritva, Nimouké Yossef), dans leur commentaire sur Baba Batra 142 b, dans un tout autre domaine. Selon eux, la faculté de consentir une donation en faveur d’un embryon n’existe qu’une fois passé le délai de 40 jours . La logique est toujours la même : jusqu’à ce moment, le donataire est inexistant, il n’y a que de l’eau !
Signalons que ce point de vue, quoique remis en question par le Sma, est retenu dans la halakha par le Chakh (cf. Ch. A. ‘Hochen Michpat 210,1).
Il ressort clairement de tout ceci que le principe de ne reconnaître le statut d’embryon qu’après 40 jours de gestation est un principe universel, qui s’applique sans distinction à tous les domaines de la halakha. En conséquence, il est bien évident que l’interdit biblique de tuer un embryon, qui se déduit, nous l’avons vu au précédent chapitre, du verset s’adressant aux Noa’hides : « celui qui verse le sang ‘de l’homme qui est en l’homme’ » ne peut, lui non plus, s’appliquer avant ce délai de 40 jours.
Et comme le clonage thérapeutique implique obligatoirement un arrêt du développement de l’embryon au stade du 8ème jour, l’interdit d’avortement ne peut valablement lui être opposé.


IRRECEVABILITE DE L’ARGUMENT DE POTENTIALITE DANS LE CAS D’UN EMBRYON EN EPROUVETTE

Cependant, il existe malgré tout une interdiction de supprimer les embryons, même avant que ceux-ci soient juridiquement reconnus comme tels. Le fondement en est l’argument de potentialité : à défaut d’embryon, il y a là tout de même une potentialité de vie humaine, à laquelle on n’a pas le droit d’attenter.
La source halakhique en est l’avis – qui fait autorité – du Baal Halakhot Guedolot (le Behag), dont les propos sont rapportés au nom du Ramban par le Ran sur Yoma 82a. Selon cet auteur, on a l’obligation de profaner le Chabbat pour secourir un embryon en danger, alors même que les 40 premiers jours de grossesse ne sont pas encore passés, et que la mère, en ce qui la concerne, n’est nullement en danger. Dès lors, un raisonnement a fortiori s’impose : si le sauvetage de cet embryon est si important qu’il repousse le Chabbat, à plus forte raison est-il répréhensible de le mettre sciemment en danger, et plus encore, de le tuer ! (cf. Rav A.Y. Unterman in Noam t.6, et Igrot Moché, ’Hochen Michpat t.2, chap.69)
La question reste donc posée de savoir si cet interdit peut être appliqué au clonage.
En fait, c’est le prolongement du raisonnement précédent qui fournira la réponse.
Imaginons un centre de procréation assistée, stockant dans ses congélateurs des centaines d’embryons congelés ; et supposons que se produise un court-circuit le jour de Chabbat, mettant en danger tous ces embryons : sera-t-il permis, d’après l’avis précité du Baal Halakhot Guedolot, de profaner le Chabbat, en rétablissant le courant, pour les sauver?
Cette question est traitée par une des sommités contemporaines de la décision halakhique : Rav Sh. Wozner, dans son Chévet Halévy t. 5, chap. 47, et il conclut par la négative. « A mon avis, dit-il, il est clair que d’après le Behag aussi, il sera interdit dans ce cas de profaner le Chabat … [car tout son système] est fondé sur le fait que plus tard ces embryons seront viables, de par la règle de la majorité, la plupart des embryons étant viables, et seule une minorité de femmes avortant … tandis qu’un tel embryon-éprouvette n’est en aucun cas concerné par une telle majorité …et même si, un jour, le développement de cette technique permet d’obtenir un taux important de réussite, la logique reste celle que nous avons exposée ».
Ainsi, la règle du sauvetage de la vie embryonnaire ne s’applique pas in vitro . Dès lors, il n’y a plus d’argument pour fonder un interdit de suppression avant les 40 jours !
Notons que cette distinction, essentielle, entre l’embryon in vivo et in vitro, semble être l’apanage de l’éthique juive, et illustre particulièrement l’originalité de la pensée halakhique. Elle nous paraît très convaincante du point de vue –même de l’argument de potentialité.
In vivo, en effet, l’embryon est destiné à devenir une personne humaine naturellement, automatiquement, sans que soit requise aucune intervention extérieure : on peut donc réellement parler de vie potentielle.
A contrario, l’embryon-éprouvette n’a aucune chance de devenir une personne humaine en l’état, dans son éprouvette. Pour espérer y parvenir, il lui faudra être transféré in utero. Une potentialité qui requiert une intervention extérieure aussi considérable (principe talmudique de me’houssar maassé gadol ) n'est plus vraiment une potentialité.

L’AVANTAGE DU CLONAGE SUR LA FECONDATION IN VITRO

Le raisonnement précédent sera encore plus puissant dans le cas des embryons congelés : tant qu’on n’y touchera pas, ils resteront figés et inchangés même un siècle plus tard! On ne peut donc décemment invoquer à leur égard le concept de vie potentielle.

Il découle de cette démonstration que, selon le droit rabbinique strict, tant l’utilisation d’embryons congelés surnuméraires que le clonage, à des fins de recherche biomédicale et à visée thérapeutique, ne tombent sous le coup d’aucun interdit, et sont donc permis.
Par contre, il ne peut être envisagé, en aucune façon, de constituer des embryons à de telles fins par fécondation in vitro. Ici, le prélèvement du sperme constituera un obstacle infranchissable. -En cela, la halakha rejoint le point de vue de la plupart des comités d’éthique dans le monde entier, qui, s’ils considèrent comme envisageable le recours au clonage thérapeutique, s’opposent, en revanche, catégoriquement, à une fécondation in vitro qui serait réalisée dans un autre cadre que l’assistance à la procréation.
Il est intéressant ainsi de constater que malgré des approches complètement différentes, les prises de position peuvent parfois se rencontrer, voire s’identifier.


Le Rav Michel GUGENHEIM est l'auteur d'un ouvrage "Et tu marcheras dans ces voies – les multiples facettes de l'éthique juive" Editions Association Samuel et Odette Levy.

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