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AVERTISSEMENT

Amis lecteurs
Je ne fais ce Blog que pour vous faire decouvrir les tresors du Judaisme
Aussi malgre le soin que j'apporte pour mettre le nom de l'auteur et la reference des illustrations sur tous ces textes , il se pourrait que ce soit insuffisant
Je prie donc les auteurs de me le faire savoir et le cas echeant j'enleverais immediatement tous leurs textes
Mon but etant de les faire connaitre uniquement pour la gloire de leurs Auteurs

Jésus : un juif comme les autres


Buste de Jésus. Peinture murale dans les
catacombes de Commodilla, fin du ive siècle

                             Jésus : un juif comme les autres


 Il me faut avant d’exposer ma réflexion, énoncer un fait : Jésus a existé.
Cette affirmation ne fait pas l’unanimité et il suffit, pour cela, de lire la littérature relative à la question de l’existence historique de Jésus. Cependant, plus que l’existence de Jésus c’est l’image et le mythe de Jésus qui nous sont parvenues à travers les évangiles et les textes apocryphes qui font discussion.
L’axiome de l’existence de Jésus, que je pose, s’appuie sur une déduction personnelle et une conviction : si les textes rabbiniques anciens le citent et prennent la peine d’en parler, cela signifie qu’un personnage, portant ce nom ou pas d’ailleurs, a existé.

En fait, Jésus ne préoccupe et n’intéresse que peu les sages du Talmud. Rares sont les passages talmudiques qui font allusion à Jésus et pour cette raison celui-ci apparait comme une figure marginale, traitée de manière anecdotique sans susciter de débat théologique.
Pour un chrétien, dont la figure de Jésus est centrale, cela peut sembler étrange et le porter à penser que si le Talmud et les rabbins ne parlent pas de lui c’est peut être  pour en diminuer l’importance ou, si l’on cherche le consensus, simplement les rabbins ne sont pas rendu compte avec qui ils avaient à faire.

En fait ce n’est ni l’un ni l’autre. Les rabbins ne rejetaient pas Jésus, ils l’ignoraient ! C’était, à leurs yeux, un personnage commun, banal dans le contexte de l’époque.
Se pose alors un véritable problème. Les évangiles semblent contredire très franchement ce que je viens d’écrire. En effet ils sont pleins d’épisodes où Jésus se confronte ouvertement aux pharisiens et aux prêtres. Il (Jésus) semble tellement important, comme figure religieuse, que les évangiles affirment que les pharisiens passaient leur temps à espionner chaque fait et geste de Jésus et de ses disciples et que cette confrontation finit par la condamnation et la crucifixion de Jésus.
Où est la vérité, si tant est que nous pouvons la découvrir ?

Nous rentrons ici dans la réflexion déductive et je ferais part de mon avis, qui en aucun cas n’est parole d’évangile, si je puis dire.
Tout d’abord il m’est nécessaire de préciser un point.
Le judaïsme rabbinique est héritier du mouvement des pharisiens et pourtant dans tout le Talmud nous ne trouverons pas une seul fois cette parole ni une allusion à ce mouvement alors que le Talmud parle des Tzedokim (saducéens) qui sont leur antagonistes.

Qui sont les pharisiens ?
Le pharisaïsme apparaît comme une conséquence de la révolte des Maccabées vers le II siècle a.e.v. comme réaction contre l’hellénisme. Etrangement dans le Talmud nous ne trouverons jamais le mot « pharisiens ». Il est vrai qu’étant donné que les Tannaim (maîtres de la mishnà) et par la suite les Amoraim (maîtres du Talmud) sont des pharisiens, ils ne ressentaient pas le besoin de parler d’eux même ni de se définir. Ce n’est que grâce aux évangiles que ce nom nous est parvenu. L’origine du mot semble être : פרושים [PéROUSHYM] dont la racine signifie séparés. Il semble, donc, qu’il s’agisse d’un mouvement dissident à l’origine.

Le mouvement pharisien est en conflit avec le mouvement saducéen sur des questions fondamentales religieuses et en particulier sur les sources du judaïsme. Les saducéens ne reconnaissent qu’une seule source au judaïsme et cette source est la Torah écrite ou Torah Shébikhtav. Pour les pharisiens, la source du judaïsme est double : d’une part nous avons la Torah écrite mais à celle-ci s’ajoute une source qui a tout autant d’autorité, la tradition orale ou Torah Shébéalpé. Cette tradition orale est reçue et transmise par les Khakhamim ou savants/maîtres qui feront remonter cette tradition à Moise lui-même comme cela est enseigné par la première mishnà qui ouvre le traité des Pirké Avoth (Maximes des Pères) chap. I mishnà 1 :





 משה קבל תורה מסיני, ומסרה ליהושע, ויהושע לזקנים, וזקנים לנביאים, ונביאים מסרוה לאנשי כנסת הגדולה. הם אמרו שלשה דברים: הוו מתונים בדין, והעמידו תלמידים הרבה, ועשו סיג לתורה: “

 Moise reçut la Torah du (sur) le Sinaï, et il la transmit à Yéhoshou’à, et Yéhoshou’à la transmis aux anciens, et les anciens la transmirent aux Prophètes, et les Prophètes la transmirent aux membres de la Grande Assemblée. Ces derniers enseignaient trois choses : « Soyez prudent dans vos jugements, créez de nombreux élèves, faite une haie (de protection) autour de la Torah ».

La tradition orale acquiert ainsi, non seulement la même légitimité sacrée que la Torah écrite mais aussi la même force d’autorité et de plus elle sert comme l’enseigne la fin de la mishnà, à protéger la Torah écrite afin que celle-ci ne soit pas altérée dans sa transmission.

Pour les pharisiens, donc, la tradition orale sera la condition sine qua non pour pouvoir, non seulement comprendre la tradition écrite, mais aussi pouvoir l’appliquer et la vivre au quotidien. Il ne sera plus possible d’être juif si la tradition orale n’est pas acceptée. Cela est d’ailleurs confirmé par un passage du Talmud qui ne permet aucune équivoque (Traité Shabbat 31a) :

Un non juif se présente devant Chammaï et lui a demandé : « Combien avez-vous de lois ? » Chammaï lui a répondu : «  Nous en avons deux, une loi écrite et une loi orale ». Le non juif lui dit : « Pour ce qui est de la loi écrite, j’ai confiance en toi, mais en ce qui concerne la loi orale, je n’ai pas confiance en toi ; fais moi juif et enseigne moi la loi écrite ». Chammai se fâcha et le renvoya. Il(le non juif) alla chez Hillel qui le rendit juif. Le premier jour, Hillel lui enseigna l’alphabet : « aleph, beth, ghimmel… ». Le lendemain, il (Hillel) lui épela les lettres de l’alphabet dans le sens contraire. Le non juif lui dit : «  Mais hier, tu me les as épelées dans l’autre sens ! » Hillel lui répondit : « Ainsi donc tu t’appuies sur moi pour l’alphabet ; appuies-toi aussi sur moi pour la loi orale ! ».

Ainsi l’existence de la loi orale est le fondement du judaïsme. Le mouvement pharisien va avoir un succès incontestable parmi le peuple. En effet les saducéens se trouveront essentiellement  parmi la classe noble et sacerdotale du peuple juif. Ils sont liés très fortement au Temple et aux rites sacrificiels qui s’y pratiquent. Pour cette raison ce mouvement disparaitra après 70 e.v, lorsque le Temple est détruit par Titus.
Les pharisiens, tout en continuant à respecter le culte du Temple, n’en font plus le pilier essentiel sur lequel repose la vie religieuse des juifs. Ce qui devient, par contre, l’élément vital de la vie juive est la prière et l’étude. Pour cette raison ils vont développer un nouveau centre de la vie du juif : le Beth Knesset (lieu de réunion qui sera traduit par synagogue) qui devient le lieu de la vie communautaire.
Ils introduisent la prière quotidienne (3 fois par jour) ainsi que la lecture de la Torah le samedi après-midi, le lundi et jeudi matin (ces dernier étant jours de marché et de tenue tribunal rabbinique) et la nécessité de la présence de 10 hommes pour former un Kahal. Le concept de Kahal sera vital pour les juifs en exil car il est la base des futures communautés de l’exil, communautés qui seront l’élément de survie des juifs pendant 2000 ans. Les pharisiens demandent aussi une vie d’application des mitzvoth et de piété.
Tout cela nous porte à dire, pour utiliser une image d’aujourd’hui, qu’ils sont ce que nous pouvons appeler le premier mouvement Hassidique du judaïsme.

Revenons-en à Jésus.
Jésus est homme de son époque et fils de la Galilée. Ces deux éléments seront fondamentaux pour comprendre  l’homme.
Tout d’abord il ne se dira jamais Messie, ni ne se définira comme tel. Il laissera, par contre, Pierre le dire ainsi que la foule, lors de sa dernière venue à Jérusalem, ce qui peut être interprété comme une acceptation implicite. Cependant rien n’indique qu’il se proclame ouvertement Messie à aucun moment.
Par contre c’est un homme du peuple et comme tel il vivra au milieu de son peuple. Toute sa formation se fera au contact des Beth Knesset où il se rend pour étudier et lire la Torah. Or ces lieux sont les lieux du pharisaïsme par excellence. Il en assimilera les mêmes méthodes d’approche et d’enseignement comme le démontrent plusieurs épisodes narrés par les évangiles synoptiques et il suffit de lire, en particulier, Marc (12, 28-34) :

« Un scribe s’avança. Il les avait entendu discuter et voyait que Jésus leur avait bien répondu. Il lui demanda : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Jésus répondit : « Le premier, c’est : Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras le compagnon comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. » Le scribe lui dit : « Très bien, Maître, tu as dit vrai : Il est unique et il n’y en a pas d’autre que lui, et l’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son compagnon comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices. » Jésus, voyant qu’il avait répondu avec sagesse, lui dit : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. ».

Il est, juste avant cet épisode (toujours dans Marc), en discussion polémique avec les saducéens qui contestent la question du monde à venir, point essentiel de la doctrine des pharisiens que Jésus défend car il  partage complètement cette conception avec ces derniers.
Ce qui est étonnant, pour un lecteur averti, c’est combien Jésus dans sa façon de répondre ressemble à un Rabbi Hillel, qui est cité ci-dessus.
Jésus est Galiléen et la Galilée est le centre de la résistance contre la domination romaine. C’est le monde des pharisiens et nombreux seront les galiléens qui seront crucifiés pendant la période de la vie de Jésus. C’est la punition que les romains infligent aux rebelles. Lorsque Jésus est enfant, il assiste à la crucifixion de 4000 galiléens qui s’étaient rebellés contre Rome et ses impôts trop lourds.
Tout ceci ne peut que profondément influencer ce galiléen. De fait il subira le même sort que les autres : la croix, car il était une menace pour l’autorité romaine. Cette autorité, d’ailleurs, ne se privera pas de placarder sur sa croix les raisons de sa condamnation : INRI (Iesus Nazareus Rex Iudaeorum) = Jésus le Nazaréen Roi des Juifs. Condamnation on ne peut plus politique.
La rébellion politique de Jésus n’était pas une rebellion armée, comme pouvait l’espérer Judas, un de ses disciples zélote (les zélotes furent un petit mouvement proche des pharisiens religieusement qui, contrairement à eux, prônèrent une rébellion armée contre l’occupation romaine et ils seront les défenseurs de Jérusalem en 70 empêchant les habitants de la ville de se rendre), qui en fut déçu et qui tenta par sa dénonciation de forcer Jésus à la lutte armée. Mais Jésus privilégiait une rébellion culturelle.

Il voulait réveiller le peuple à une vie plus profondément juive et séparée des romains. Son « Rendez à César ce qui est de César » n’est qu’une nouvelle affirmation que le mélange culturel avec l’occupant n’est pas possible. Il veut regrouper tous les croyants monothéistes et, à cette époque, il n’y a que les juifs et les samaritains qui sont considérés comme tels. Il tente ainsi de diminuer le clivage et la haine qui existent entre les samaritains et les juifs, sans toutefois aller jusqu’à abolir les différences qui persistent entre eux.
Il s’adresse au peuple en utilisant le langage que celui-ci comprend et qui est la prière et  l’enseignement de la loi orale ainsi que font les pharisiens. Il affirme haut et fort qu’il n’est pas venu pour abolir la loi mais pour que les juifs l’appliquent mieux et non pas comme les saducéens en particulier uniquement dans la forme, mais avec la circoncision du cœur - expression de la Torah chère aux maîtres du Talmud. C’est la référence à la piété.

Tout ceci ne fait que ramener plus fortement Jésus à son identité juive et son adhésion au judaïsme. Mais, en conséquence, cela le rend d’autant plus banal pour le judaïsme. C’est pour cela que nous trouvons si peu de références à Jésus dans le Talmud. Sa figure n’est traitée que de manière anecdotique sans susciter débat théologique, qui n’aurait pas lieux d’être, d’ailleurs, puisque Jésus reste dans l’orthodoxie de l’époque.

Ce qui fera débat, bien plus tard après même l’époque talmudique, c’est la confrontation entre christianisme et judaïsme, lorsqu’au moyen âge, en réponse aux nombreuses attaques chrétienne contre le Talmud, apparaitra un texte qui sera par la suite condamné par les rabbins et mis complètement à l’index ( Toledoth Yéshou - Histoire de Jésus - qui est une invention dénigrant les origines de Jésus et sans aucune valeur historique ni base talmudique). Hélas, comme souvent, le monde chrétien - à travers des juifs convertis - en aura connaissance et cela accentuera les accusations accablantes envers les juifs, de haine contre Jésus.
Se pose, cependant, la question de savoir d’où vient cet antagonisme qui apparaît dans les évangiles envers les pharisiens, antagonisme qui finira par faire de l’expression « pharisien » un synonyme d’hypocrite.

En fait c’est un personnage de la plus haute importance qui aura un rôle prépondérant dans cette histoire : Shaul Mi Tarshish ou, si vous préférez, Paul de Tarse.
Il va détacher Jésus de ses liens avec les juifs pour en faire une figure universelle mais son véritable problème est mettre en évidence que le discours de Jésus est différent de celui des pharisiens. Il s’agira, donc, d’accentuer l’antagonisme en faisant apparaître des éléments secondaires comme essentiels et sources de discorde entre Jésus et les pharisiens. Je pense en particulier à l’épisode de Shabbath et des épis de blé. C’est d’autant plus étonnant que lorsque Jésus dit : «  Ce n’est pas l’homme qui est fait pour le Shabbath mais le Shabbath pour l’homme » c’est ce que disent les maîtres du Talmud dans le traité Shabbath. Tout au plus ce qui peut être reproché à Jésus c’est la forme apparemment transgressive de l’enseignement, puisqu’il coupe des épis de blé durant Shabbath ce qui est une action interdite, mais ce n’est certainement pas suffisant pour le condamner  a quoique ce soit d’un point de vue halakhique car il ne coupe pas un nombre d’épis suffisant pour que ce soit une transgression complète, ce qui démontre sa connaissance et son respect de la halakhà.

Paul va faire entrer la vie de Jésus dans une dimension atemporelle et surtout  placer le discours de ce dernier dans la prospective de l’avenir. Jésus ne sera plus lié à son époque et son temps mais au royaume à venir, il ne parlera plus du royaume d’Israël mais du royaume des cieux. La nation de prêtres de Jésus n’est plus, comme c’est écrit dans la Torah, Israël  mais ceux qui portent son message.
Paul transpose le discours de Jésus, du discours d’un juif s’adressant à des juifs, en un discours du Messie s’adressant aux hommes. Il va simplement créer le mythe de Christ - figure qui aurait été complètement incompréhensible à Jésus lui-même qui ne pouvait, en tant que juif, imaginer ni la Trinité ni l’incarnation divine - où Jésus se verra attribuer le rôle de tout premier plan mais ne fera pas de lui pour autant le fondateur du christianisme. Ce rôle de fondateur restera à Paul. Paul n’aura pas d’influence directe dans les écritures des évangiles, excepté celui de Luc, mais par ses épîtres et ses disputes avec Jacques et Pierre, il imposera sa lecture et son interprétation des textes. Cette lecture sera celle christique qui fait de Jésus le fils de D. et pratiquement D. lui-même.
 Mais c’est un thème nouveau qui mérite, à lui seul, un développement plus approfondi.

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